Identification du tissu tumoral dans des échantillons pathologiques minces via laser femtoseconde
Rapports scientifiques volume 13, Numéro d'article : 9250 (2023) Citer cet article
Accès 910
47 Altmétrique
Détails des métriques
Dans le traitement de la plupart des tumeurs cancéreuses solides nouvellement découvertes, la chirurgie reste la première option thérapeutique. Un facteur important dans le succès de ces opérations est l’identification précise des marges de sécurité oncologiques pour garantir l’ablation complète de la tumeur sans affecter une grande partie des tissus sains voisins. Nous rapportons ici la possibilité d’appliquer la spectroscopie de décomposition induite par laser femtoseconde (LIBS) combinée à des algorithmes d’apprentissage automatique comme technique de discrimination alternative pour différencier les tissus cancéreux. Les spectres d'émission suite à l'ablation sur de minces échantillons postopératoires fixes de foie et de sein ont été enregistrés avec une haute résolution spatiale ; les coupes colorées adjacentes ont servi de référence pour l'identification des tissus par analyse pathologique classique. Dans un test de preuve de principe effectué sur des tissus hépatiques, les réseaux de neurones artificiels et les algorithmes de forêt aléatoire ont pu différencier les tissus sains des tissus tumoraux avec une précision de classification très élevée d'environ 0,95. La capacité d'identifier des tissus inconnus a été réalisée sur des échantillons de sein provenant de différentes patientes, offrant également un haut niveau de discrimination. Nos résultats montrent que le LIBS avec lasers femtoseconde est une technique susceptible d'être utilisée dans des applications cliniques pour l'identification rapide du type de tissu dans le domaine chirurgical peropératoire.
La chirurgie reste la principale ligne d’attaque pour éradiquer le cancer découvert à ses débuts. La plupart des tumeurs solides nouvellement diagnostiquées sont retirées chirurgicalement, dans l'espoir d'une guérison complète ou au moins de prolonger l'espérance de vie du patient1. Les cellules cancéreuses laissées après l'opération (par exemple, par les marges positives de l'échantillon de résection) peuvent générer des récidives locales ou des métastases au fil du temps, étant l'un des facteurs clés déterminant le taux de survie d'un patient. Dans de nombreux cas, des interventions chirurgicales ultérieures sont nécessaires pour éliminer le tissu néoplasique nouvellement formé, ou des thérapies adjuvantes (radiothérapie ou chimiothérapie), qui entraînent de nombreux effets secondaires. Les résultats de l'intervention chirurgicale sont principalement déterminés par l'expérience de l'équipe médicale qui réalise l'intervention oncologique : le but est d'éliminer complètement les cellules malignes (pour éviter d'autres récidives) et de préserver autant de tissus que possible de l'organe affecté, sans dégrader sa fonctionnalité. En pratique, les marges de sécurité oncologiques varient entre 2 mm et 1 cm, selon le type de cancer et la localisation de la tumeur2. La localisation de haute précision de la tumeur est d'une importance cruciale pour le succès de l'opération. L'équipe chirurgicale peut utiliser les informations obtenues avant l'intervention grâce aux techniques d'imagerie (tomographie par résonance magnétique, tomodensitométrie aux rayons X ou échographie), mais dans le champ opératoire, les décisions reposent principalement sur des informations visuelles et tactiles. Plusieurs fois, pour décider si le tissu malin a été complètement éliminé, on a recours à l'examen pathologique peropératoire sur un échantillon congelé. Cette procédure nécessite plusieurs dizaines de minutes et, en cas d’incertitude, augmenterait considérablement la durée opératoire, augmentant ainsi le risque de complications. Pour cette raison, une technique alternative ou complémentaire avec une détermination rapide et précise du type de tissu opéré est hautement souhaitable.
Ces dernières années, plusieurs techniques innovantes ont été étudiées pour l’analyse in vivo. Les techniques de spectroscopie de masse, dans lesquelles les valeurs masse/charge sont mesurées pour différents fragments moléculaires résultant de la décomposition locale du tissu, ont déjà été testées in vivo pour identifier différents types de cancer3,4,5. Parallèlement, des techniques optiques, telles que la tomographie par cohérence optique6,7, la spectroscopie Raman8,9,10 et la spectroscopie de claquage induit par laser (LIBS), ont été étudiées en raison de leur portabilité et de leur haute précision spatiale. Même si les premières tentatives d’utilisation du LIBS pour détecter des tissus cancéreux remontent à près de deux décennies11, le développement ces dernières années d’algorithmes de Machine Learning (ML) permettant d’interpréter un grand volume de données expérimentales a intensifié ces études12. La technique LIBS analyse les spectres d'émission du plasma créé par des lasers focalisés sur la surface des matériaux. Il présente l’avantage de produire des résultats rapides sur une grande variété d’échantillons ne nécessitant pas de prétraitement compliqué. Dans le processus LIBS, le matériau est ionisé et un plasma est produit qui, une fois refroidi, émettra un rayonnement spécifique aux éléments chimiques présents dans le matériau. De nombreuses études tentant d'identifier différents types de tissus malins sont réalisées à l'aide de lasers nanosecondes12,13,14,15,16,17,18,19,20,21,22, produisant un plasma à haute température entraînant des dommages thermiques importants sur l'échantillon et une diminution de la résolution spatiale23. Dans des études précédentes, nous avons montré que les impulsions femtosecondes (fs) peuvent être utilisées pour une analyse LIBS de précision in situ/in vivo de tissus biologiques23 et d'échantillons techniques24, permettant une résolution spatiale de l'ordre du micron et inférieure à 25. Applications de fs-LIBS sur différents tissus biologiques sont présentées dans plusieurs études (Réf. 26 et références qui y figurent), mais son utilisation dans la détection de tissus cancéreux a été moins étudiée12,27,28,29.